Nike doit just do it
La marque à la virgule traverse une période de turbulence sans précédent depuis la pandémie. Entre inventaires excédentaires, changement de direction et pressions géopolitiques, le géant du sportswear tente de redresser la barre.
La marque à la virgule traverse une période de turbulence sans précédent depuis la pandémie. Entre inventaires excédentaires, changement de direction et pressions géopolitiques, le géant du sportswear tente de redresser la barre.
On analyse la situation, dans votre allongé du jour.

📊 Des résultats qui font trébucher le cours de Bourse
L'action Nike a dégringolé de 9,3% vendredi dernier, effaçant près de 9 milliards de dollars de capitalisation boursière. Un coup dur qui fait passer la valorisation du groupe sous la barre symbolique des 100 milliards de dollars (97 milliards), une première depuis mars 2020 et les débuts de la pandémie de Covid-19.

Depuis son pic de novembre 2021, l'action a perdu plus de 60% de sa valeur, loin du record de 281 milliards de dollars de capitalisation atteint à l'époque.
Les chiffres du troisième trimestre fiscal achevé le 28 février sont éloquents : chute des revenus de 9% à 11,3 milliards de dollars (moins catastrophique que les 11% de baisse anticipés par Wall Street) et perspectives sombres pour le trimestre en cours, avec une marge brute qui devrait se contracter de 400 à 500 points de base.

Le tableau est particulièrement inquiétant en Chine, où le sportswear américain peine à rebondir dans un contexte de ralentissement économique prolongé. Les ventes y ont chuté de 15%, avec une baisse spectaculaire de 42% du bénéfice opérationnel.
🌱 Le plan de redressement d'Elliott Hill
"C'est un début solide, mais nous ne sommes pas satisfaits des résultats globaux"
Elliott Hill, PDG de Nike, lors de la conférence téléphonique avec les analystes.

Ce vétéran de l'entreprise, sorti de sa retraite en octobre dernier pour prendre les rênes du groupe, a élaboré une stratégie en cinq axes pour relancer la marque :
- Revitaliser la culture d'entreprise
- Façonner l'image de marque par des campagnes sportives authentiques
- Diversifier le portefeuille de produits au-delà des franchises classiques
- Rééquilibrer le réseau de distribution entre ventes directes et partenaires grossistes
- Renforcer la présence locale dans les marchés stratégiques
Pour concrétiser cette vision, Nike se réorganise autour de départements centrés sur les sports spécifiques (running, basketball, football), et réalloue ses budgets marketing des publicités digitales vers des campagnes sportives plus emblématiques. Le groupe a d'ailleurs augmenté ses dépenses marketing de 8% ce trimestre.
"Nos consommateurs et partenaires ont ressenti un rythme différent pour Nike ce trimestre", a affirmé Hill, mettant en avant les efforts déployés lors du Super Bowl (première publicité en 27 ans) et du week-end All-Star de la NBA.
Les défis d'un virage stratégique dans un contexte hostile
Le redressement s'annonce ardu, dans un environnement commercial particulièrement défavorable :
📦 Le problème des inventaires
Nike doit d'abord assainir ses stocks : "Nous devons nettoyer le marché", a résumé Matt Friend, directeur financier.
Si les inventaires ont baissé de 2% ce trimestre, ils restent "élevés dans toutes les catégories". La stratégie consiste à réduire drastiquement la dépendance aux franchises classiques (Air Force 1, Dunk et Air Jordan 1) dont la demande s'essouffle. Le poids de ces modèles dans le mix produit devrait diminuer de 10 points de pourcentage d'ici la fin du trimestre en cours, avec une baisse des unités "à deux chiffres" prévue pour l'exercice 2026.

🌐 La guerre commerciale et les tarifs douaniers
L'escalade des tensions commerciales initiée par l'administration Trump frappe Nike de plein fouet. Le groupe, qui produit 18% de ses chaussures en Chine et dispose de 117 sites de fabrication dans le pays (plus 8 au Mexique), est directement touché par les nouveaux tarifs douaniers imposés sur les importations chinoises et mexicaines.
📱Le repositionnement du canal digital
La stratégie de Nike Direct connaît un virage à 180 degrés : fini les journées promotionnelles (de 30 jours en janvier-février 2024 à zéro sur la même période en 2025 en Amérique du Nord). Cette politique de vente à prix plein entraîne une chute prévisible du trafic digital (-15% ce trimestre), que la direction anticipe à "deux chiffres" pour l'exercice fiscal 2026.
🤝 La réconciliation avec les partenaires grossistes
Après avoir privilégié la vente directe, Nike renoue avec ses partenaires de distribution. "Nous avions perdu le rythme de travail étroit avec nos partenaires grossistes", a reconnu Elliott Hill, qui a mis en place des équipes multifonctionnelles et des réunions de planification avec les principaux distributeurs.
🔮 Les perspectives : une convalescence qui s'annonce longue
"La voie est tracée mais le chemin sera long et volatil", résume l'analyste Alex Straton de Morgan Stanley. Un sentiment partagé par Kevin McCarthy, gestionnaire de portefeuille chez Neuberger Berman : "C'est un paquebot, et il faudra du temps pour le faire pivoter."
Si les signaux restent alarmants pour le trimestre en cours (recul prévu des revenus "dans le milieu de la fourchette des -10%"), certains analystes entrevoient des lueurs d'espoir. "Un redressement commence à se dessiner", estime Poonam Goyal de Bloomberg Intelligence, tandis que Randal Konik de Jefferies parle d'un "bon début pour un voyage de deux ans."
