L'élève dépasse le professeur
Autrefois professeure, l'Europe est devenue élève face à la Chine, dont les constructeurs automobiles progressent rapidement sur les marchés occidentaux malgré les barrières tarifaires.
Autrefois professeure, l'Europe est devenue élève face à la Chine, dont les constructeurs automobiles progressent rapidement sur les marchés occidentaux malgré les barrières tarifaires.
Cette nouvelle dynamique révèle les forces et faiblesses de l'industrie automobile européenne dans sa transition vers l'électrification.
On décrypte ce sujet, dans votre allongé du jour.

🚢 Un plateau commercial post-tarifs douaniers
Selon les données de Dataforce, les constructeurs chinois, menés par BYD et MG (SAIC), ont capturé 7,8% du marché européen des véhicules électriques en janvier 2025. Leur part s'est stabilisée entre 7,5% et 8,5% depuis six mois, coïncidant avec l'imposition par l'Union européenne de droits de douane supplémentaires pouvant atteindre 45%.

Sous cette apparente stabilité se cache une réorganisation majeure du marché. BYD, premier producteur chinois de voitures électriques, a détrôné MG (ex-marque britannique) comme leader chinois en Europe. L'entreprise prévoit notamment d'introduire son SUV compact Atto 2 dans tous les principaux marchés européens, à un prix avoisinant les 29 000 euros.

Cette percée intervient malgré les tarifs douaniers européens, que certains constructeurs chinois contournent en annonçant la construction d'usines en Hongrie et en Espagne, ou en s'associant avec des groupes européens comme Stellantis.
🤔 Le dilemme technologique européen
"L'Europe s'est tiré une balle dans le pied, puis a accusé les Chinois de tenir l'arme", résume un dirigeant du secteur, pointant les décisions européennes d'éliminer progressivement les moteurs à combustion, d'imposer des pénalités d'émissions strictes et de se couper de l'énergie russe bon marché.
Le ministre tchèque de l'Industrie, Lukas Vlcek, affirme que "les constructeurs européens doivent redoubler d'efforts pour réduire le coût des véhicules électriques s'ils veulent rivaliser avec les États-Unis et la Chine".
Selon les données de Jato Dynamics, les véhicules électriques fabriqués en Chine coûtent environ moitié moins cher que leurs équivalents européens ou américains.
Face à cette situation, l'Europe développe une nouvelle approche : tirer parti de l'expertise chinoise. Volkswagen, Mercedes-Benz, Stellantis et BMW ont tous signé des accords avec des groupes chinois pour accéder à leurs technologies.
🛞 La stratégie de transfert technologique
La Commission européenne cherche à donner plus de poids aux entreprises européennes dans leurs relations avec la Chine. Son "plan d'action" pour l'industrie vise à obliger les entreprises chinoises entrant sur le marché automobile européen à créer des coentreprises avec des entreprises européennes ou à leur céder des licences technologiques.
Si ces efforts aboutissent, ils marqueraient un tournant historique. Pendant quatre décennies, la Chine a utilisé la promesse d'accès à son marché pour obtenir des transferts de technologie. Désormais, l'Europe tente d'employer les mêmes outils pour rattraper son retard.
Transport & Environment, un groupe de campagne environnementale, met en garde contre le risque que l'Europe devienne "une usine d'assemblage" pour les fabricants chinois de batteries. "Sans exigences européennes, nous n'apprendrons tout simplement pas. Nous ne serons qu'une usine d'assemblage", avertit Julia Poliscanova, directrice principale de T&E.
🔋Les batteries, enjeu stratégique
Le secteur des batteries illustre parfaitement ce défi. Plus de 90% des batteries pour véhicules électriques sont produites par des entreprises sud-coréennes et chinoises, et 40% des gigafactories confirmées sont fournies par ces mêmes acteurs asiatiques.
Les partenariats actuels entre fabricants chinois de batteries et constructeurs automobiles européens sont trop axés sur l'approvisionnement à court terme, sans cadre réglementaire pour le partage des connaissances, ce qui entraîne des risques géopolitiques et sécuritaires.
Face au ralentissement de la demande de véhicules électriques et aux difficultés de financement, les entreprises européennes peinent à rattraper leur retard. Automotive Cells Company a récemment mis en pause ses plans d'expansion en Allemagne et en Italie, tandis que d'autres start-ups comme Verkor font face à des défis similaires.
🔮 Perspectives d'avenir
L'Europe se trouve donc à un moment crucial. Elle doit à la fois développer ses propres capacités technologiques et tirer parti des avancées chinoises pour rester compétitive sur le marché mondial des véhicules électriques.
La réussite de cette stratégie dépendra de sa capacité à établir un cadre réglementaire favorable au transfert de compétences et de technologies, tout en investissant dans les infrastructures nécessaires à l'adoption massive des véhicules électriques, comme les usines de batteries et les stations de recharge.
La décision européenne d'accorder un répit de trois ans aux constructeurs pour atteindre les objectifs d'émissions de CO2 pourrait leur donner le temps nécessaire pour s'adapter, innover et, peut-être, renverser la tendance.
